Contexte
Le thème d’une « Afrique émergente » a fait la Une des journaux au cours des dernières années. Ce discours est alimenté par le constat de la croissance rapide du continent, avec le PIB de l’Afrique Sub-Saharienne qui enregistre une hausse supérieure à la moyenne générale au cours de la dernière décennie. En effet, les taux de croissance ont affiché une moyenne de 5 pour cent au cours des 10 dernières années. En 2012, plusieurs pays ont enregistré une hausse d’au moins 6 pour cent, les pays qui dépendent de leurs ressources ayant obtenu les taux de croissance les plus élevés. Si elle est bien gérée, cette performance économique pourrait contribuer de manière positive à la réduction de la pauvreté et au développement de diverses manières. D’après la revue « the Economist », les Investissements Direct Etrangers (IDE) en direction du continent africain sont passés de 15 milliards de dollars en 2002, à 37 milliards en 2006, ensuite à 46 milliards en 2012. D’après la CNUCED, ce chiffre est passé à 56 milliards en 2013. Pendant ce temps, le volume des échanges commerciaux avec la Chine a connu une hausse fulgurante, passant de 11 milliards en 2003 à 166 en 2012, et à 193 milliards en 2013.
L’Afrique australe est bien pourvue en ressources naturelles, qui représentent 31 pour cent de la masse terrestre du continent, et avec 8 des 20 pays africains que le FMI considère comme des pays riches en ressources, au niveau de la sous-région. Cependant, l’Afrique australe est caractérisée par une pauvreté extrême et de profondes inégalités. Le boom concernant le commerce et les investissements n’a pas contribué aux changements socio-économiques. La croissance économique en cours n’a pas débouché sur une diversification suffisante des économies, une croissance de l’emploi ou un développement économique, qui permettent de faire reculer la pauvreté. Plus particulièrement, les pays riches en ressources occupent un rang peu enviable d’après tous les indicateurs de développement humain et social. Les pays concernés, tels que la RDC, le Mozambique et l’Angola, sont parmi les mieux nantis, mais languissent au bas du tableau (IDH), accusant les écarts les plus criants entre le développement humain et la répartition des revenus.
Selon le FMI, l’utilisation judicieuse de ces ressources permettrait aux pays tels que le Mozambique et l’Angola de mobiliser assez de ressources, sur le plan intérieur, pour éradiquer la pauvreté, alors qu’un pays comme la Tanzanie, pourrait réduire ce gap aux trois-quarts. Dans ces pays, les flux de revenus anticipés sont considérables par rapport aux estimations faites en vue de réduire les inégalités sur le plan national, d’augmenter la part du budget allouée à l’éducation, et de réduire le taux de la mortalité infantile, entre autres[1]. Même s’il existe plusieurs raisons pour expliquer l’incapacité à mobiliser les revenus issus de l’exploitation des ressources naturelles au nom d’un développement social et humain, le problème des flux financiers illicites a récemment fait l’objet d’une certaine préoccupation sur le continent.
Partout en Afrique, maintenant, les flux financiers illicites sont considérés comme néfaste pour les économies. Ceci a été confirmé, en particulier, par le Dernier Rapport du Panel de Haut Niveau (PHN/HLP) sur les flux financiers illicites en Afrique. Les résultats du PHN, présidé par l’ancien Président sud-africain, Thabo Mbeki, font écho à des cris d’alarme lancés par des organisations de la société civile à travers le continent, pour dénoncer les flux financiers illicites qui menacent sérieusement la promotion d’un développement inclusif en Afrique, et pour recommander la prise de mesures pratiques urgentes pour endiguer cette « hémorragie ». Un des résultats les plus remarquable de l’étude du PHN est que l’Afrique est en train de perdre jusqu’à 60 milliards de dollars par an[2] du fait des flux financiers illicites, et ce chiffre est en train d’augmenter à un taux alarmant de 20.2 pour cent par an, d’après les estimations du Global Financial Integrity (GFI) pour la période 2002-2011.
Concernant les pays africains, en particulier, les flux financiers illicites massifs sont en train de saper une base financière déjà chancelante, avec des effets négatifs sur la mobilisation des ressources pour un développement équitable. Des études récentes laissent penser que le volume global concernant les flux financiers illicites à partir du continent africain au cours des 30 dernières années, est compris entre 1,2 et 1,3 trillion de dollars en termes absolus. Par conséquent, le résultat net des flux financiers illicites à partir d’Afrique, entre 1980 et 2009, est compris entre 597 milliards et 1,4 trillion de dollars américains[3] (GFI ; BAD (2013). Parmi les divers systèmes de fraude incriminés, la fausse facturation occupe la première place ; celle-ci consiste à falsifier le prix ou la quantité des importations ou exportations, en vue d’échapper aux taxes douanières, transférer des dessous de table, ou de blanchir de l’argent. Ainsi, des sociétés (des multinationales) évitent de payer des taxes ou des droits douaniers, procèdent à des transferts de fonds illicites / pots de vin, et au blanchiment d’argent. Les FFI sont facilités par l’usage croissant de sociétés off-shore, le gros volume des échanges entre les sociétés, et le secret commercial qui entoure les activités relatives aux activités d’investissements étrangers.
Le PHN fait remarquer que la dépendance des pays africains vis-à-vis de l’exploitation des ressources naturelles les rend particulièrement vulnérables au danger des flux financiers illicites. Celle-ci est portée par le crime organisé, la corruption, la fraude fiscale, le commerce illicite concernant les ressources naturelles, le blanchiment d’argent et la manipulation des cadres d’échanges internationaux. En dernière analyse, les flux financiers illicites découlent de plusieurs facteurs convergents, tels qu’une faible gouvernance économique, l’absence de reddition de comptes, la négligence et l’incompétence, en particulier pour la traçabilité des revenus et des taxes.
Ainsi, les gouvernements africains subissent des pertes substantielles, du fait de l’absence de ressources humaines, financières et techniques, nécessaires pour assurer le recouvrement des impôts ; et de l’absence de données pour évaluer les niveaux d’imposition concernant les sociétés. Le rapport du PHN fait état aussi d’approches nouvelles innovantes pour générer des flux financiers illicites (FFI), approches possibles grâce à l’économie numérique et aux nouvelles technologies. Ces flux extérieurs de capitaux illicites privent le continent de ressources qui, autrement, pourraient être utilisées pour le financement des services publics et des stratégies de développement qui permettent de réduire la pauvreté de façon significative. Les Nations Unies estiment que le nombre de personnes vivant avec moins de 1,25 dollars par jour en Afrique est passé de 219 millions en 1990 à 414 millions en 2010, du fait de l’augmentation de la population qui dépasse le taux de réduction de la pauvreté.
Le prélèvement illicite de capitaux sur le continent africain contraint beaucoup de pays à dépendre de crédits étrangers pour le financement du développement, et à accepter des conditions qui leur sont largement défavorables pour le paiement de la dette. En fin de compte, les flux monétaires qui servent à payer l’intérêt qui s’attachent à la dette l’emportent sur les investissements relatifs aux services sociaux de base et au développement. Par exemple, d’après le High Poverty Action (HPA), 21 milliards de dollars quittent le continent chaque année, surtout pour le service de dettes étrangères contractées à des conditions défavorables. Dans certains cas, les pays africains sont obligés d’utiliser leurs ressources naturelles pour sécuriser les crédits étrangers, compromettant ainsi leur souveraineté et l’avenir des générations futures. Le problème des flux financiers illicites en Afrique est une menace de taille au développement inclusif et à la transformation des économies. L’échelle et les impacts de ce phénomène ne doivent pas être sous-estimés.
Le défi présenté par les FFI ne cesse de s’imposer dans les cercles politiques, comme en atteste la haute instance de l’UA en la matière. En plus, ce problème a fait l’objet du Rapport de l’Africa Progress Panel et de plusieurs efforts de plaidoyer de la part des organisations de la société civile. Les autres plateformes comprennent Agenda 2063, porté et encadré par l’UA comme « Stratégie globale pour maximiser l’exploitation des ressources en Afrique pour tous les Africains » ; les Objectifs de développement durable post- 2015, et le processus des Nations- Unies pour le Financement du développement. Il y a aussi d’autres dynamiques à l’échelle continentale, tels que l’Africa Mining Vision et le Cadre foncier de l’UA, qui jettent un nouvel éclairage sur la nécessité croissante de maximiser l’exploitation des ressources nationales pour la transformation des économies africaines.
Comme la plupart des pays d’Afrique au Sud du Sahara, ceux d’Afrique australe ont, sur le plan économique, la possibilité de faire face à leurs défis majeurs, en matière de développement. La pauvreté et les inégalités croissantes dont ces pays sont en train de faire l’expérience sont en contradiction avec leur richesse immense. En Afrique australe, des ressources énormes tendent à passer à l’étranger, laissant la plupart de la population dans la pauvreté. Cette fuite des ressources s’effectue de diverses manières, dont la dette, la fuite de ressources naturelles et humaines, des termes de l’échange défavorables et, dans une très grande mesure, des flux financiers illicites. Le fait majeur est qu’il existe des lacunes énormes concernant le corpus d’informations à la disposition des intervenants et décideurs qui cherchent à endiguer des flux financiers illicites à partir de l’Afrique australe. Ceci est dû en partie au fait que la fuite de capitaux est un sujet d’étude relativement nouveau, en plus de la modicité des données et connaissances disponibles créent de nouvelles contraintes concernant les réponses politiques et les efforts de plaidoyer. Plus particulièrement, il y’a l’absence d’une recherche approfondie, de données et d’études qui permettent de faire face à la complexité des FFI en termes de forme, de nature, d’acteurs, d’envergure et d’impact sur le développement en termes absolus, et sur les communautés en proie à la pauvreté et à des inégalités. Il n’existe pas d’études sur le plan national, du fait que la plupart des données disponibles portent surtout sur le plan international et continental.
Par conséquent, ce projet cherche à trouver une solution aux principales lacunes identifiées dans la connaissance des flux financiers illicites en Afrique australe. Cela se fera par une recherche approfondie portant sur 3 (trois) secteurs économiques clés : (1) l’exploitation minière, (2) l’agriculture, et (3) la faune et le tourisme. Cette recherche devra contribuer à une meilleure connaissance, par le grand public comme par les spécialistes, du problème des flux financiers illicites dans la sous-région, et de son impact sur le développement économique. En plus, les études proposées contribueront pour beaucoup au renforcement du plaidoyer et des réponses politiques.
Portée du projet
Les volets de ce projet comprennent : une étude documentaire, la mise au point d’une méthodologie de recherche ; la collecte, gestion et analyse de données, et la rédaction de rapports de recherche.
Structure et directives pour la Soumission de la Proposition
Cet appel à proposition est une présentation de conditions requises pour un processus ouvert et compétitif. Les propositions doivent être concises et donner un aperçu du contexte d’un secteur donné, et du cadre méthodologique proposé. Toutes les propositions doivent être soumises en format Word. La date limite des soumissions est le 22 juin 2015. TrustAfrica entrera en contact avec le candidat retenu avant le 30 juin 2015.
Dans les cas où un participant doit collaborer avec un autre (dans le cadre d’un partenariat, d’une sous-traitance ou d’un contrat) pour répondre aux conditions dont il est question plus haut, cela devra être clairement dit dans la proposition. En outre, les coûts concernant les propositions doivent inclure ceux relatifs aux travaux sous-traités ou faisant l’objet d’un contrat. Les propositions devront être soumises avec un budget faisant état des droits et coûts. Ce budget ne doit pas dépasser 40.000 dollars américains.
Les soumissionnaires doivent aussi ajouter les éléments suivants à leur dossier de candidature:
- Une description de leur expérience en matière de recherche de la même nature
- Les CV des principaux intervenants du projet
- Un exemplaire d’un rapport de recherche
- Échéance proposée pour la réalisation du projet
TrustAfrica accordera un total de 3 (trois) subventions (une pour chaque secteur). Les conditions spécifiques relatives à l’objet, au budget, aux délais, et d’autres éléments du projet, seront étudiées et finalisées avec les candidats retenus.
Critères de sélection
Toutes les propositions seront évaluées selon les critères suivants:
- Pertinence générale de la proposition: le projet de recherche proposé et le cadre méthodologique doivent répondre au contexte, aux besoins et à l’objet dont il est question plus haut, et devront être présentés d’une façon claire et cohérente.
- Expérience organisationnelle: les participants seront évalués quant à leur expérience par rapport à l’objet de ce projet.
- Réalisations antérieures: Les participants seront évalués sur la base d’exemples de leurs réalisations par rapport à l’objet de ce projet, ainsi que de références crédibles.
- Valeur et coût: Les participants seront évalués sur la base du budget qu’ils proposent par rapport aux travaux à réaliser dans le cadre du projet.
- Expertise technique et expérience: Les participants doivent fournir des descriptions et autres documents relatifs à l’expertise technique et à l’expérience du personnel.
Pour faire acte de candidature, soumettre la proposition à TrustAfrica à l’adresse suivante: Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.. Pour plus d’informations, les soumissionnaires peuvent écrire à TrustAfrica à la même adresse. Ces questions doivent nous parvenir pas plus tard que le 12 juin 2015.