Si la croissance du PIB a en effet été supérieure à 5% en moyenne dans la majeure partie du continent, nous obtenons rarement des renseignements sur la façon dont les économies africaines sont structurées et sur l’identité des bénéficiaires de cette croissance. Un fait marquant concernant la croissance est qu’elle est, dans une large mesure, le résultat du super cycle mondial des matières premières et, à un certain degré, de l’essor de l’industrie des télécommunications. Les entreprises produisant et commercialisant les matières premières sont principalement de grandes multinationales basées hors du continent africain. Elles bénéficient d’exonérations fiscales temporaires, d’accords de rapatriements de revenus et de codes du travail souples. Ces accords de rapatriement permettent aux sociétés de verser leurs revenus à leurs sièges. Cependant, cette pratique NE RELEVE PAS des FFI. Par-delà les avantages mentionnés ci-dessus, ces grandes entreprises sont des vecteurs de flux financiers illicites. Selon le rapport de l’UA/CEA, les pratiques les plus courantes comprennent la falsification des factures
commerciales, la sous-facturation des exportations, l’exagération de la valeur des importations et les régimes généraux d’évasion fiscale. Les FFI passent par des processus très complexes de nature et certains chapitres du présent manuel essayent de les aborder en détail pour réaffirmer, toutefois, qu’ils coûtent à l’Afrique environ 50 milliards $ par année, environ 68% du PIB du Kenya. Le développement humain, y compris l’accès à des services de santé de qualité, à l’éducation, à l’emploi et à un niveau de vie décent reste inaccessible pour de nombreux Africains. Les avantages du cycle actuel de croissance ont été très inégaux et limités aux personnes à revenus élevé. De plus en plus d’Africains périssent dans la Méditerranée chaque année en essayant de se rendre en Europe pour y rechercher de meilleures conditions de vie. Nous savons également qu’il faut, chaque année, 50 milliards de dollars pour financer des projets d’infrastructure dans un contexte marqué par la baisse de l’aide publique au développement (APD). L’agenda 2063 de l’UA identifie l’amélioration de la mobilisation des ressources intérieures comme un pilier essentiel pour le développement durable et inclusif de l’Afrique. C’est dans cette optique que nous, à TrustAfrica, aux côtés de nos amis et partenaires de la société civile, appelons à un nouveau pacte pour le développement reposant sur la transparence, la responsabilité et l’équité.
Tendai Murisa, Directeur executif de TrustAfrica
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TrustAfrica aide des organisations africaines de la société civile à lancer une campagne populaire visant à mettre fin aux flux financiers illicites en provenance d’Afrique. Dénommée « Arrêtons l’hémorragie - Campagne pour éliminer les flux financiers illicites en provenance d’Afrique », cette initiative se veut un mouvement fondé sur des expériences africaines, impulsé par l’entregent des Africains et renforcé par des liens de solidarité en faveur de l’Afrique à l’échelle mondiale. La campagne élargit le débat sur les flux financiers illicites au-delà des spécialistes et cherche à mobiliser des personnes ordinaires et des groupes clés tels que les étudiants et les jeunes, les syndicats et les mouvements sociaux de base pour jouer un rôle clé de plaidoyer pour le changement. Le rapport tant attendu du Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites en provenance d’Afrique a finalement été présenté lors du 24e Sommet de l’UA à Addis Abeba et adopté par les dirigeants africains. Les conclusions du Groupe de haut niveau dirigé par l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki font écho aux messages que la société civile à l’échelle du continent a lancés pour démontrer la menace sérieuse que représentent les flux financiers illicites pour le développement inclusif de l’Afrique et appeler à une action politique urgente pour arrêter l’hémorragie. L’une des conclusions les plus importantes du travail accompli par le Groupe de haut niveau est que les sorties illicites de capitaux du continent africain sont considérables et croissants et se situent à un taux alarmant de 20,2% par an (selon les calculs effectués par la Global Financial Integrity (GFI) sur la période 2002-2011). Observant que la dépendance des économies africaines par rapport à l’extraction des ressources naturelles les rend particulièrement vulnérables aux FFI, le Groupe souligne également l’apparition de nouvelles méthodes novatrices de génération de flux financiers illicites grâce à l’économie numérique et aux nouvelles technologies. En outre, le rapport mentionne spécifiquement la question de la
faiblesse des capacités nationales et régionales comme obstacle majeur aux efforts visant à freiner les sorties illégales de capitaux, tout en précisant que l’arrêt des flux financiers illicites est, en définitive, une question d’ordre politique. Au cours de ces dernières années, divers groupes de la société civile à travers le continent ont mené des efforts concertés considérables contre les flux financiers illicites en provenance d’Afrique. En effet, la question des flux financiers illicites est au coeur du débat sur l’élaboration de la feuille de route du développement de l’Afrique conformément à l’Agenda 2063 et aux processus en cours tels que le financement du développement et les objectifs de développement durable post-2015. Le rapport du Groupe de haut niveau présente une opportunité pour les OSC et partenaires africains d’élaborer une architecture continentale cohérente pour combattre les FFI, ce qui fait défaut actuellement. Une difficulté particulière réside dans le fait que les réponses apportées dans le passé ont emprunté, parfois sans discernement, les concepts et solutions proposés pour la plupart par des initiatives du G20 et de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), sans tenir compte des spécificités du contexte et de l’expérience de l’Afrique. Ainsi, tout en adoptant les solutions efficaces proposées par des organisations comme l’OCDE, on doit impérativement savoir que ces réponses sont largement fondées sur la façon particulière dont le problème est ressenti par les économies occidentales et des pays du Nord. Les solutions proposées ne pourront donc pas répondre de manière adéquate aux manifestations spécifiques du problème des
flux financiers illicites et de leurs causes profondes dans le contexte africain. Par conséquent, la tâche essentielle à laquelle les organisations de la société civile et les partenaires africains doivent s’atteler est de poser correctement la problématique des flux financiers illicites dans le contexte africain et d’élaborer des réponses politiques typiquement africaines.
- Briggs Bomba, TrustAfrica
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